La méthode Coué
 
 
Emile Coué

Qui d'entre nous n'a jamais entendu parler de la méthode Coué ?

Un des premiers à utiliser, en thérapie, les forces de l'inconscient Emile Coué a inventé les cures d'autosuggestion. «Tous les jours à tout point, de vue, le vais de mieux en mieux.» Une recette simple, une phrase magique, une incantation, des mots qui, très vite, le temps de persuader son « imagination », transforment une vie sans que l'on prenne même la peine d'y penser. Cela nous parait un peu naïf: il s'agit pourtant de l'introduction d'une méthode «sûre», fondée sur la réflexion et les observations de toute une vie, celle d'Emile Coué.

Et qui, à demi convaincu, ne s'est jamais dit en son for intérieur, invoquant Coué, citant Voltaire: «Aujourd'hui, tout va bien, tout ira bien, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible !»

L'homme nous fait sourire, nous intrigue. On résume sa pensée en une formule suspecte, tant elle est simple, et l'on oublie qu'il fut contemporain de Freud, des docteurs Bernheim et Liébault, qu'il fut l'un des premiers à saisir l'empire et la richesse de l'«imagination», son influence sur le comportement de l'organisme, l'un des prémiers à réhabiliter toute cette partie enfouie et difficilement révélable de notre moi, que le terme «inconscient» résume volontiers. André Dumas, directeur de l'institut Coué (1), nous le présente comme le prophète de la psychologie de notre temps. Et Paul Chauchiard (2) écrit à son sujet: «Cinquante ans après sa mort, Emile Coué devrait être reconnu comme le maître de la pédagogie du cerveau dont notre époque a tant besoin. Il nous apprend à vouloir correc- tement par le contrôle lucide qui oriente, sublime notre imagination vers le vrai, le beau, le bien en ouvrant la voie de l'équilibre et de la santé.»

    1. Secrétariat: avenue des Sablons 77230 Darnmartin-en-Goële. L'institut organise des conférences 5 rue Las-Cases 75607 Paris et 15 rue Jean-Jacques-Rousseau 75001 Paris.
    2. Directeur de l'École des hautes études en sciences sociales.

Une approche trop simple...

André Dumas est un adepte de la méthode Coué depuis des années. Il l'a découverte très jeune et n'a cessé de s'y appliquer. Pour lui, Coué est complètement méconnu. Sa petite phrase: «Tout va bien, je vais de mieux en mieux», a fait de lui un personnage falot dont on ne connaît plus ni l'histoire ni la vie et dont on ignore l'importance et l'influence. Or il fut un des premiers de sa génération à comprendre l'action que pouvait avoir la suggestion sur l'imagination, un des premiers à saisir que l'autosuggestion, implantation d'une idée en soi-même, vous permet de dompter l'imagination «comme on dompte un torrent ou un cheval sauvage», vous rendant responsable de votre propre personne.

D'autres chercheurs de la même époque, comme Janet, Charcot ou Freud, prônaient des méthodes différentes, où le médecin ou le psychiatre, par son emprise sur le patient, le révélait à lui-même, le transformait.

L'approche de Coué est plus simple, plus pratique; sa théorie reste sommaire, ce qui lui a valu d'être traité à la légère et par ses contemporains et à l'étranger. Invité aux Etats-Unis à la fin de sa vie, il fut accueilli dans l'indifférence. Avec son nom, son aura, son aspect emprunté et son accent de paysan de l'Est, on ne le prit pas au sérieux.

... qui part d'une mystification

«Mais laissez-moi vous raconter son histoire.» André Dumas se cale dans son fauteuil paisiblement, heureux, semble-t-il, de cette occasion de réhabiliter son héros:

«Coué avait, à l'origine, une vocation de chimiste. Né en 1857 à Troyes, il reprend une pharmacie dans sa ville natale vers 1880 pour gagner sa vie. C'est un incident qui va lui inspirer sa méthode. Un jour, un malade exige un médicament dont la délivrance est interdite sans ordonnance. Coué refuse. Le patient se faisant pressant, Coué, à bout d'arguments, file dans son arrière-boutique, prépare une solution d'eau distillée et, en grande pompe, la remet au quémandeur. Huit jours plus tard, celui-ci revient pour le remercier avec effusion. Il l'a soulagé, il l'a guéri. L'imagination du patient l'a emporté sur la maladie. Coué en tire une conclusion pratique: l'imagination a toujours une action déterminante sur organisme.»

L'imagination déterminante

C'est l'époque ou Liébault pratique la suggestion, où Bernheim écrit la Suggestion et ses applications pratiques à la thérapeutique. Coué, qui entreprend des études de psychologie appliquée dès 1885 et suit les travaux de Liébault, s'intéresse à tout ce qui est publié en France et à l'étranger à ce sujet. Dès 1902, il se retire à Nancy pour poursuivre ses recherches. A l'école de Janet et de Charcot, il pratique lui aussi l'hypnose puis cesse de partager leur conviction selon laquelle «toute suggestion est un phénomène pathologique». Pour lui, toute suggestion est bonne. Il se rallie à un Bernheim lui aussi convaincu que la suggestion n'agit qu'à condition d'avoir été transformée en autosuggestion, c'est-à-dire acceptée.

Pour Coué, l'imagination détermine le comportement, on ne peut rien contre elle. C'est une première loi fondamentale. Donnons un exemple. Posons au sol une planche de 10 m de long sur 0,25 m de large. L'enjamber est un jeu d'enfant. Qui prétendra réussir le même exercice au niveau des tours d'une cathédrale sans trembler de peur ?

Essayons de la même façon d'arrêter un fou rire: plus on s'y applique, plus il dure. L'effort de volonté est une tension, et l'organisme ne fonctionne «bien» que dans un état de détente. D'où la deuxième loi. «chaque fois qu'il y a conflit entre la volonté et l'imagination, c'est l'imagination qui l'emporte.» Elle peut même modifier profondément l'organisme, comme on le constate de plus en plus dans les recherches actuelles en parapsychologie.

      

Suggestion - autosuggestion

Ces faits étonnants tendent à prouver la malléabilité et l'étendue des ressources de nos organismes. Convaincu de l'existence de ce pouvoir en nous, Coué veut donner à chacun le moyen de l'utiliser. Pour cela, il compte avant tout sur la confiance, la sienne, et celle qu'il insuffle. Pendant des années, il reçoit de nombreux patients et tire d'innombrables exemples de ses contacts et de son expérience. Ainsi une femme paralysée se présente un jour chez lui. Depuis des années, elle ne marche plus. Coué enflamme derrière elle un journal et crie «au feu». La paralytique bondit de son fauteuil et se sauve en courant. Elle ne rechutera pas.

Un homme étouffe dans sa chambre en pleine nuit, cherche une fenêtre dans l'obscurité, n'en trouve pas la poignée, casse une vitre et respire à pleins poumons, sauvé, soulagé. Le lendemain matin, au grand jour, il découvre qu'il a brisé le verre d'une horloge ancienne.

Coué note, observe puis dirige, oriente; il s'intéresse à tous, sans discrimination d'âge ou d'état. Ce dont il est sûr, c'est du pouvoir de l'émotion. Il découvre de façon de plus en plus absolue que l'intensité d'une suggestion est proportionnelle à l'émotion qui l'accom- pagne (c'est la troisième loi).

Il faut donc remonter aux sources, se proposer un but; le subconscient trouve alors le moyen de le réaliser. Mais — et c'est encore là une originalité de Coué — il est certain que la suggestion n'agit qu'à condition d'avoir été transformée en autosuggestion. En face de ses malades, il ne se veut qu'un guide, un détonateur, pas davantage, qui encourage le malade à s'assumer.

La cour des miracles

Ce qu'il comprend, c'est la nécessité d'une relation mécanique entre le corps et l'esprit, la nécessité d'harmoniser le corps, de le flui- difier, de l'unifier. Les gestes qui accompagnent l'autosuggestion: écriture, répétition de la formule choisie à voix haute, sont l'image de ce qui doit «s'imprimer» dans la pensée. D'où son idée de séances de groupe.

A l'époque, son cabinet est une véritable cour des miracles. Dans une grande salle d'hôpital, les gens passent, reviennent, répètent, pensent: «Je peux», et jamais: «Je ne peux pas», traitent la maladie comme une «mouche qui a l'impertinence de se poser sur le visage». Il donne confiance par sa présence et sa chaleur, et «verse de l'eau claire sur les eaux troubles». Ainsi les insomniaques dorment, les verrues disparaissent, les plaies variqueuses sèchent, les paralytiques marchent

«Voilà l'homme, voilà Coué, conclut André Dumas, sa méthode est une école de confiance en soi, de relaxation, de détente. Une méthode simple, des répétitions, des mots qui anesthésient la tension, la volonté et se gravent en vous jusqu à vous remodeler entièrement. Il y a des années que je pratique la méthode Coué. J'ai mûri grâce à lui dans la détente et la confiance en soi.»

L'application de la méthode

Je quitte André Dumas pour rencontrer non plus un simple adepte de Coué, mais un médecin qui applique sa méthode depuis plusieurs années. Psychologue, psychanalyste, psychiatre, homéopathe et médecin, le Dr Halfond a éprouvé, à un certain moment, le besoin d'orienter ses malades vers une méthode concrète. Il cherche et, incidemment, S'intéresse à Coué. Il fait un jour une prescription inoffensive, un placebo.

La malade prétend, huit jours plus tard, avoir été terriblement ébranlée par la potion. Il est frappé par le pouvoir d'autosuggestion de la patiente. Coué lui revient à l'esprit. Il éprouve le besoin de remonter aux sources. Il effectue d'abord un pèlerinage à Nancy; ensuite, un livre de Charpentier, disciple de Coué, découvert par hasard chez un bouquiniste, le pousse à mieux saisir l'homme, sa méthode, ses pratiques. Il décide d'essayer lui aussi, éprouvant le besoin de matérialiser, de concrétiser les idées par des gestes, des répétitions, moyen de les ancrer à l'organisme.

Il organise ainsi des séances de groupe. Une grande salle blanche, comme celle de Coué, et des adeptes de toute sorte aussi, jeunes, âgés, de toute extraction. Le traitement se fait par séries de quatre séances pour dix, quinze ou. vingt personnes.

Dans la première, on expose ce qu'est la méthode Coué, sa technique. On s'habitue. C'est une introduction à la deuxième séance, où l'on passe immédiatement à des exercices respiratoires.

La phrase miracle

«Savoir respirer, dit Coué, est essentiel au confort de l'organisme, cela permet une régularisation, une attitude apaisante, de détente.» La troisième séance est destinée à l'écriture et à la répétition des formules.

«Je crois à cette phase de répétition, clé de la méthode Coué, explique le Dr Halfond. Chacun écrit donc sa phrase inlassablement sur une feuille jusqu'à la faire entièrement sienne. Par exemple: "Oui, mon corps redevient mince et je vais de mieux en mieux." Soulignons là le rythme de la phrase. J'ai découvert le bien-fondé d'un certain rythme. Sept saccades semblent correspondre à une phrase musi- cale qui convient, qui berce, qui ronronne, qui vous pénètre, une phrase adaptée à chacun...»

Pendant la quatrième séance, les gens s'allongent et répètent en commun, à voix haute, le «Tous les jours, à tout point dé vue, je vais de mieux en mieux.»

«Je ne suis pas l'élément directeur, précise le Dr Halfond, mais seulement une ossature à laquelle on peut se référer si le besoin s'en manifeste. J'enregistre des résultats étonnants, pratiquement sans échec. Un jeune homme de trente ans, sortant de sept ans de psychanalyse, s'est "dénoué" au cours de ces séances. En trois mois, il est passé d'un état de recroquevillement, d'introversion à la détente; d'élément passif, il s'est transformé, sous nos yeux, en élément actif. Même chose pour une femme de quarante ans bloquée par un viol. En quelques séances, elle se détendait et devenait un élément moteur de la séance.

J'aime vraiment cette méthode, elle est bien codifiée, bien nette et réellement efficace, fondée sur une relation de confiance. Je n'ai pratiquement pas d'échec.» Nous sommes bien loin de notre idée de départ, amusée, de Coué, et bien plus près des expériences actuelles, que ce soit:

    Lozanoff et son institut de suggestologie à Sofia, qui combine la méthode Coué à un fond musical provoquant un état d'euphorie et de relaxation favorable à l'assimilation de langues étrangères;

    la sophrologie et son utilisation du terpnos logos (terme grec), façon verbale de s'exprimer, persuasive, harmonieuse, douce, monocorde;

    — enfin, toutes les méthodes de relaxation, yoga, zen et autres, qui tendent plus ou moins clairement, plus ou moins directement à canaliser l'émotion, à l'ordonner, à favoriser son plein pouvoir énergétique.

Le bien l'emporte sur le mal, c'est un fondement de la méthode. Comme souvent, comme toujours, il faut avoir la foi, et c'est un choix, bien sûr. Il faut accepter et vouloir voir en rose ce qui pourrait être gris. C'est une façon comme une autre de se «fabriquer» une réalité.

Certains ont affirmé et prouvé que l'on devient ce que l'on contemple (Platon), que la «foi sauve» (Jésus-Christ). Williams écrivait: «Nous vivons tous à la surface de notre être.» Coué a compris intuitivement, très simplement la nécessité de plonger en eau profonde et d'alimenter le subconscient en eau claire: suggestions joyeuses, toniques, revivi-fiantes.

Annick Latour


Bibliographie

Voici une liste non exhaustive d'ouvrages sur la Méthode Coué:

“Autosuggestion consciente selon Émile Coué”
De Antoine ONNIS
Edition Quintessence
http://www.editions-quintessence.com

“Emile Coué, oeuvre complète”
L'oeuvre d'Emile Coué, présentée par André Dumas
Edition ASTRA (Paris, 1976)
http://www.amazon.fr

“La méthode Coué”
La maîtrise de soi même par l’autosuggestion consciente”
Edition MARABOUT
http://www.marabout.com

“La Méthode Coué”
de Gilbert GARIBAL
Edition de Vecchi.
http://www.amazon.fr

En allemand
Autosuggestion Emile Coué
Edition JOPP OESCH

 

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