Paulo
Bellinati
Rencontre
Interview
de Paulo Bellinati paru en 1982 dans le
journal de l'AMR «Viva la Mucica»
En
route pour le festival de jazz de Paris,
où il joue ainsi que deux autres
groupes brésiliens, Paolo Bellinati
et ses amis se sont arrêtés
à Genève pour deux concerts.
Deux soirées de vrai bonheur. D'ailleurs
on se marchait sur les pieds au Sud des
Alpes, et chacun, je crois, a éprouvé
beaucoup de plaisir à ces concerts.
Dans un emploi du temps assez chargé,
j'ai rencontré Paolo pour faire le
point sur sa situation au Brésil,
alors qu'il a quitté Genève
depuis deux ans.
Viva
la Musica: Comment s'est passé ton
retour au Brésil ?
Paolo
Bellinati: J'ai toujours été
provisoirement à Genève. J'étais
au Conservatoire grâce à une
bourse, et fin 1980 j'ai décidé
de rentrer. J'avais de la peine ici, pas
avec le climat mais je n'avais plus d'énergie.
Je n'arrivais plus à être heureux.
Lorsque
je suis arrivé au Brésil,
il m'a été très difficile
de travailler. Il me fallut un an pour mettre
en route mes activités. Malgré
le fait de connaître beaucoup de gens,
je n'ai pas eu l'occasion de jouer tout
de suite. Heureusement qu'il y avait un
mouvement très dynamique de musiciens
indépendants qui faisaient un travail
important.
V.L.M.:
Qui sont les gens de ce mouvement ?
P.B.:
Ce sont en majorité des gens jeunes
et autodidactes. Au Brésil, la formation
musicale est un problème. Il y a
bien des écoles mais les gens manquent
de base musicale. Il est très difficile
de pouvoir étudier et l'accès
à la bonne culture coûté
cher.
Ce
mouvement a commencé à exister
vers 1975. Ceux qui en font partie font
des choses très différentes,
c'est-à-dire aussi bien de la musique
populaire que du jazz. Le mouvement a donné
naissance à deux maisons de production
indépendantes: Lira Paulistana et
Som ga Gente, autour desquelles tous travaillent
activement.
Un
événement très important
a beaucoup stimulé ce mouvement,
c'est le premier festival de Saô Paulo
en 1978, puis celui de 1980. A chaque fois
des groupes brésiliens se sont produits,
à côté de groupes étrangers,
et cela a été très
bénéfique pour les musiciens.
Malheureusement,
cette année le festival n'aura pas
lieu car nous sommes en pleine préparation
des élections et l'argent du festival
a disparu. Peut-être pour la propagande.Au
Brésil, nous sommes dans une situation
politique, économique très
difficile. Je te donne un autre exemple.
Il y a à Saô Paulo un secrétariat
culturel pour l'organisation de concerts.
Ce service permet aux groupes de jouer une
ou deux fois par an. Mais ici aussi l'argent
a très vite manqué et beaucoup
de concerts ont dû être annulés.
Ça c'est le côté brésilien
de l'histoire.
Malgré
tout, grâce à ce mouvement
de musiciens indépendants, on tient
le coup. On joue dans les boîtes de
nuit, dans les bistrots ou en studio. Une
partie de l'argent est réinvestie
dans les activités du mouvement,
dont le travail principal est de produire
des disques indépendants pour nous
faire connaître. Mais tout ici est
un défi.
L'accès
aux médias est très difficile.
Organiser des concerts prend beaucoup de
temps à cause du rythme particulier
ici. Je sens pourtant une grande énergie,
ce qui nous aide beaucoup.
Maintenant
nous sommes en Europe pour deux mois et
je pense que cela aura des effets très
positifs à notre retour au Brésil.
N.B.
Les disques produits par Lira Paulistana
et Som da Gente sont diffusés par
DAM-Diffusion artistique et musicale (95
rue de Fontainebleau).
Propos
recueillis par Jean-Pierre Widmer
- Photo: François von Sury
- Archives A.M.R.
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